
PROLOGUE
Le mois de Ramadan est décrit comme étant celui des bienfaits;il permet aux fidèles de se repentir de leurs péchés et de purifier leur âme. Un moment de communion entre le créateur et sa créature.
Toutefois, dans la société où j’évolue, le ramadan est devenu un moyen d’extorsion, de représailles et de réprimandes.
Au Sénégal dans certaines familles, notamment chez les belles-filles l’arrivée du ramadan est synonyme d’angoisse et de stress pour le simple fait que généralement la belle-famille s’attend à des cadeaux pharamineux, des sommes exorbitantes.
Je suis de ces femmes qui souffrent de cette coutume; je suis de celles qui voient leur sommeil perturbé des semaines avant l’arrivée de ce mois béni.
Les insultes de l’année dernière raisonnent encore dans ma tête comme une mélodie macabre; de celles que l’on entend dans les films d’horreurs, un peu avant que l’un des acteurs ne se fasse trucider par un psychopathe. Et à chaque raisonnement de cette mélodie mon cœur fait un énorme bond dans ma poitrine; je vais, incontestablement, revivre les épisodes précédents, je vais à nouveau m’asseoir et écouter ma belle-mère me traiter d’incapable, de radine.
Je ne suis pas traitée à ma juste valeur dans cette maison, je suis oppressée, minimisée et piétinée pour la simple raison que je ne suis pas le choix de la reine mère; la tyrannique et monstrueuse Mame Yacine répondant sous le sobriquet de Ma Yass!
Une appellation douce qui glisse dans la bouche comme du chocolat fondant mais celle qui y répond n’a absolument rien d’un enfant de cœur.
Je suis bien placée pour le savoir parce que je reçois ses attaques chaque jour que Dieu fait.
Face à toutes ces oppressions je ne trouve qu’une seule échappatoire celle que la prière me procure. Aussi difficile que les choses puissent être, je n’oublie et ne rate jamais une heure de prière. Ma foi en Allah est ce qui me permet indubitablement de supporter tout ceci.
Et maintenant que j’y pense: Allah approuve-t-il ce que je vis ou s’est il tout bonnement constitué en spectateur car lasse de me voir me faire piétiner sans broncher?
Je me suis mariée la tête pleine de rêves, je recherchai et desirai ardemment vivre le parfait amour.
Pour ce faire, j’ai suivi mon cœur malgré que mon esprit m’en dissuadé. Tandis que mon cœur voyait en mon mari, l’homme parfait, mon esprit, lui me criait « Khadija cours, cours, cours aussi loin que possible sans jamais te retourner. »
Et comme toute jeune femme amoureuse en ces circonstances de doutes, je décidai d’étouffer les paroles avisées de ma conscience puisqu’elles ne convenaient pas à mon cœur.
Mon mari, celui que je décrivais comme mon idéal s’est complètement métamorphosé un an après la naissance de notre fils Mouhamed.
Et pourtant, en dépit du comportement hostile de sa mère envers moi; nous parvenions toujours à passer outre mesure et à nous enfermer dans notre bulle protectrice dont la taille ne dépassait pas la petite superficie de la chambre que nous occupions dans la maison familiale.
Et du jour au lendemain, sans aucune explication plausible, Samba, mon époux, se détournait de moi, changeant radicalement, il était devenu un inconnu pour moi.
Mes besoins, il ne les satisfaisait que lorsque sa mère donnait son aval; mes inquiétudes, mes malheurs et ma tristesse lui étaient complètement égale.
Ma Yass contrôlait tout, elle régnait sur la famille et menait ses fils et ses belles-filles à la baguette comme un dictateur africain avide de pouvoir.
J’aurais du partir dès l’instant où j’ai compris qu’elle avait émis une fatwa sur moi au sein de la maison, demander le divorce, prendre mon fils et m’en allait tout simplement mais au lieu de ça , je suis restée. Pourquoi? Je ne saurais le dire.
Cependant, la seule pensée prédominante c’était celle qui me disait incontournablement que je serais bien égoïste de séparer mon fils de son père, lui qui n’a pas demandé à naître dans un milieu aussi hostile. Oui je sacrifiai tout et prenais sur moi parce que je réprimandai la possibilité que mon fils connaisse le même destin que moi: celui de vivre sans l’amour paternel.
L’absence permanente d’un père impacte négativement sur l’évolution d’un enfant.
Je le sais pour l’avoir vécu; mon père, jamais je ne l’ai connu, jamais je n’ai su qui il était. Il est décédé dans un accident de voiture le jour même de ma naissance. Par moment, il me vient à l’esprit de me considérer comme une porteuse de malheurs.
J’étais tellement habituée aux malheurs que quand un peu de bonheur s’invite dans ma vie, j’appréhende déjà le retour du malheur.
J’ai toujours vécu avec ce poids sur le cœur, à chaque fois la même résolution subsiste si mon père n’avait pas pris l’autoroute ce jour-là pour se précipiter au chevet de ma mère qui accouchait de moi, peut être qu’il serait encore vivant.
Et peut être que s’il était là, je ne subirai pas autant de souffrances et de mépris. Un mépris que je ne comprends d’ailleurs toujours pas puisque depuis six ans, je fais tout mon possible pour satisfaire ma belle famille. Jamais je n’ai failli à mon devoir de belle-fille et d’épouse.
Jamais je n’ai eu de regard de travers pour ma belle-mère et il ne m’est pas non plus venu à l’esprit de riposter ou de la recadrer même quand elle se perdait dans son injustice.
Lorsqu’elle m’insultait indirectement je restai inébranlable et je me répétai incessamment: << si ça avait été ma propre mère, l’insulterai-je en retour ? >> évidemment que non.
Ma mère m’a apprise à être dévouée, obéissante et respectueuse, par dessus tout elle m’a confié que le secret de la réussite du mariage est l’acceptation. Parfois je me dis qu’elle m’a inculqué des valeurs totalement archaïques et qui apparemment ne vont pas de paire avec ce qu’elle incarne dernièrement.
En effet, l’éducation que j’ai reçue ne m’a pas préparé à ce monde cruel et impitoyable dans lequel nous vivons.
Si je m’étais révoltée la toute première fois que ma belle-mère m’a craché au visage qu’elle me haïssait et ne me laisserait jamais vivre en paix avec son fils, ma vie ne serait-elle pas tout autre?
Malheureusement, comme beaucoup de femmes dans ma situation, j’ai pris sur moi, j’ai attendu, j’ai subi, j’ai enduré et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en me persuadant qu’un jour ou l’autre, j’obtiendrai mon salut.
Ensuite est née Aicha, mon deuxième enfant, dans des circonstances fracassantes et je suis encore restée.
Je suis restée pour remplir mon quota de ce fameux ‘’ Muuñ’’ qui affaibli et rend malades toutes les femmes sénégalaises malheureuses en ménage mais qui ne prennent jamais leur courage à deux mains pour partir vers d’autres horizons.
Par peur de la stigmatisation ou de ce qu’elles trouveront derrière la montagne qui cache le crépuscule?
Une question qui semble sans réponse, j’en ai bien peur.
Comment ai-je pu être aussi bête ? Pourquoi je continue de subir ? Au nom de quoi ou de qui ?
Voici arrivé le Ramadan, voici venu mon passage à la passoire. Ma belle famille va encore exiger de moi que je leur offre des présents. Mes belle-sœurs ‘’ woudjiou pethiorgo’’ vont encore ouvrir les hostilités ainsi que le championnat de qui d’entre nous offrira à Ma Yass le présent le plus distingué en guise de << Soukarou koor>>.
Dans l’incapacité de crier mon mal être je l’écris avec l’intime espoir qu’un jour un miracle se produira.
Je m’appelle Khadija Sy, je suis une femme incomprise, meurtrie et abusée.
Bienvenue dans les chaînes du mariage sénégalais, lisez mon histoire qui est aussi celle de beaucoup d’entre vous.
Lisez la, faites la lire à votre entourage, après sa lecture, prenez votre temps et regardez autour de vous, ne voyez-vous pas ces Khadija qui souffrent en silence et continuent de prendre sur elles dans le seul but de contourner le qu’en-dira-t-on? Ne voyez-vous pas que le mariage est permis mais que le divorce est tout aussi permis?
NanafDiop
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